
Paru en France en 1968
L’ouvrage
nous emporte dans un pays latino qui pourrait être la Colombie, retraçant l’histoire
de la famille Buendia sur plusieurs générations, depuis ce qui semble être le
XIXe siècle, et durant une centaine d’années. Tout la puissance du roman réside
dans sa force d’évocation. Alors que Gabriel Garcia Marquez maintient une
distance vis à vis de ses personnages, ne se permettant jamais de juger leurs
actes les plus terribles ni leurs souffrances, le lecteur est absorbé dans le
village de Macondo, brûle avec lui sous le soleil, observe grandir et vivre
chaque enfant de la famille Buendia.
Cette capacité d’immersion, qui
rend la lecture addictive, permet de prendre de plein fouet les grands thèmes
abordés. Celui du temps qui passe et de la décadence, chaque personnage paraissant
voué au malheur et à la solitude. Relations brisées, descendants qui finissent
vieillards reclus ou fous, et partout cette lutte contre l’extérieur et la
pression sociale. L’inceste du couple originel, qui se répète, face au péché qu’il
représente. Le village isolé et farfelu de Macondo - tellement isolé que
pendant longtemps ses habitants ignorent tout du reste du monde - devant la
poussée des guerres, de la religion, des exploitants divers, de la modernité.
La famille Buendia contre son destin, avec la répétition des prénoms Auréliano
et Arcadio à chaque génération, et les comportements qui se reproduisent.
Les motifs fantastiques se
glissent naturellement dans le récit et ni le narrateur ni les personnages ne
songent à s’en émouvoir. Ainsi les nomades gitans qui amènent leurs inventions
à Macondo ont des tapis volants, un curé se met à léviter quand il boit du
chocolat chaud, une jeune fille trop belle finit par s’élever dans les cieux,
les spectres de défunts surgissent à l’occasion, un amant est précédé par des
papillons jaunes peu discrets, et tant d’autres situations amènent cette touche
décalée à l’ensemble. Par contraste, le terrible destin de la famille Buendia déroule
une émotion amère et sombre qui filtre tout au long du récit. Suicides, couples
brisés par le meurtre, illusions perdues, ruine après la richesse... On ne sort
pas de l’ouvrage indemne.
Malgré un siècle balayé et une
demi-douzaine de générations racontées, chaque personnage déborde de vie et l’on
ne peut s’arrêter de lire, pour affronter, nous aussi, ces destins, dans la
poussière et les patios de Macondo. Un roman fort et un univers qui persiste
bien au-delà de la lecture.
Categories:
- Avant 2010,
Fantastique,
Réalisme magique
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