Ces trois courts romans réunis en un volume par les éditions Denoël permettent de découvrir l'auteur J.G. Ballard.


Ce spécialiste de la folie urbaine et du transgenre qui sait rendre vivant ses décors bétonnés au point qu'ils volent la vedette à ses personnages, nous délivre un portrait à l'acide de sociétés malades.

Crash ! d'abord, malgré sa notoriété, est peut-être le moins intéressant des trois textes. On connaît le film de Cronenberg. Le réalisateur s'est approprié l'histoire pour en faire une oeuvre personnelle, que je trouve presque plus réussie que le roman. Parce que le roman Crash, c'est avant tout un jeu littéraire.
On y retrouve bien ces personnages en rupture avec la norme qui reproduisent des accidents de voiture en y trouvant un plaisir sexuel. Mais c'est avant tout une oeuvre de forme, où Ballard mêle le vocabulaire de l'automobile et celui du sexe et du sang, pour souligner la fusion entre chair et métal cabossé. Liste interminables d'éléments de carrosserie et de mots crus, le texte finit par épuiser celui qui n'y a pas plongé dès le départ. Reste une impression globale de décalage avec la réalité et ce sentiment qu'il n'y a pas besoin de parler du futur ou d'inventer un monde pour glisser dans un autre univers.

L'île de béton. Un scénario simple et pourtant d'une force extraordinaire. Victime d'un accident, un homme se retrouve blessé sur un terrain vague, un triangle entre deux voies rapides. Il réalise peu a peu que personne ne s'arrête pour le récupérer, personne ne prévient les secours. Il s'y installe et fait la rencontre d'une jeune femme à moitié dingue qui vit également dans ce lieu coupé du monde, et de Proctor, un vieux simplet qu'elle garde avec elle. Le roman se charge de tension à mesure que le narrateur perd la raison.


I.G.H, pour Immeuble de Grande Hauteur, est le texte à la fois le moins ciselé mais aussi celui où Ballard va laisser libre cours à son imagination. Car rien n'est crédible une seconde dans cette tour - ville coupée du monde où les voisins vont s'entre-tuer. Nous suivons la progression de la haine au sein de l'immeuble géant, de petites rivalités pour des places de parking jusqu'à la formation de véritable clans pour finir par une guerre ouverte entre appartements, couloirs et escaliers, le tout avec quelques jolies symboliques sur les étages et les classes sociales. Pour une fois, plus que profond, Ballard est presque divertissant.


La trilogie de béton est une belle entrée dans l'univers de l'auteur. Si Crash !, très conceptuel, ne plaira pas à tous, L'île de béton et I.G.H sont des romans que l'on n'oubliera pas après lecture. Ballard maîtrise à la perfection ce sentiment de glissement vers une réalité autre, de subtil décalage avec notre monde contemporain, qu'il retourne pour en révéler les faces les plus sombres.