Paru en France en 2011
Cette chronique a déjà été publiée dans la revue Frontières
Désolation
Road, c’est l’histoire de June, racontée à travers les confidences qu’elle
livre à un journaliste depuis la prison. C’est aussi l’histoire de l’Amérique
poisseuse et inquiétante des années 1930, avec sa crise, sa prohibition, ses
voitures d’époque et ses mitraillettes Thompson... Le décor est planté,
davantage sur les routes désolées de la campagne US qu’en compagnie des gangs
urbains.
June
a dix-sept ans, elle est la plus jeune condamnée à mort des Etats-Unis. Comme
le journaliste qui l’interroge, le lecteur balance entre le désir de la
condamner pour ses crimes et celui de la prendre en pitié. Car June a tué par
amour, par désœuvrement... peut-être même par hasard.
Le
road trip démarre dans une campagne rongée par la crise, que June fuit avec
David, son voisin, qui vient de tuer son propre père. Dans une Ford A, le jeune
couple sillonne la Californie en quête d’un peu d’argent pour survivre. On
pense tout de suite aux grands duos de criminels, Bonnie et Clyde en tête, ou
même au film d’Oliver Stone, « Natural born killers ». Mais pour June
et David, il n’y a pas de réelle volonté de faire le mal, le crime leur tombe
dessus comme une fatalité. Le braquage d’une station service d’abord, pour
ramasser quelques dollars. Puis un second, qui tourne mal. Et le meurtre de
policiers, quand ils manquent d’être arrêtés. L’amour de ces deux jeunes à
peine sortis de l’adolescence semble se renforcer à mesure qu’ils plongent dans
l’engrenage. Alors qu’il exécutent des contrats et même un kidnapping pour un
mafieux local, ils finissent par comprendre qu’ils ne s’en sortiront pas.
Jérôme
Noirez va à l’essentiel. Son style est simple, épuré, destiné à la jeunesse.
Malgré tout ses deux héros ont une complexité, une ambiguïté qui jaillit entre
les lignes. Par une habile manœuvre de deux témoignages discordants, il
parvient même à faire douter du récit de June. Dit-elle bien la vérité ?
N’est-elle pas plus violente qu’elle ne le laisse entendre ? Est-ce qu’elle
manipule le journaliste ? C’est June qui presse la détente pour la plupart
des meurtres, et l’on ne sait jamais si elle suit David dans la descente aux
enfers, ou bien si, finalement, elle l’y entraîne par sa simple présence. Et
c’est là que le style jeunesse devient frustrant, car l’on aurait aimé voir
développer encore davantage ces aspects, plonger un peu plus dans la
psychologie des héros.
Quant
aux personnages secondaires, ils sont peu étoffés et trop archétypaux. La mère
indigne qui abandonne sa fille, le mafieux crapuleux avec des brutes épaisses
comme gardes du corps, la petite fille capricieuse... Les méchants sont juste
méchants, et manquent de l’épaisseur donnée aux personnages principaux. Jusqu’à
la fusillade finale, de type « encerclés et plus rien à perdre »,
dont le côté déjà vu, déjà digéré est sans doute voulu, comme un hommage à un
certain cinéma.
En
dépit de ces détails, peut-être dus au public visé, le récit prend au tripes. L’ambiance
d’abord, très visuelle, où chaque description rappelle la misère de l’époque. Ce
premier amour, ensuite, que l’on sait condamné. Il nous touche, nous attache
aux personnages qui se découvrent l’un et l’autre dans une amertume croissante.
Et quand le lecteur se demande
« qu’aurais-je fait, moi, dans cette situation ? », il tient la
preuve que l’histoire l’a complètement happé.
Intéressant, même si comme tu le dis, le cinéma nous livre quantité d'histoires qui tournent autour de ces "couples maudits".