Paru en France en 2013
On connait le duo Pratchett –
Gaiman. Plus improbable était cette collaboration du maître anglais de l’humour
avec Stephen Baxter, que l’on étiquette davantage Hard Science.
Avec La Longue Terre, nous
retrouvons donc à la fois le côté cabotin et les comparaisons géniales d’un Terry Pratchett, mais aussi le travail sur un postulat et ses conséquences, plus
classique en SF. La plume est fluide, homogène, on ne perçoit quasiment pas un
travail à deux mains.
Le principe de la Longue Terre est
cette révolution : dans les années 2020, le plan d’un appareil permettant
de voyager dans une infinité de Terres parallèles est diffusé par internet. Sur
un petit boitier alimenté par une pomme de terre, un commutateur permet de se
déplacer vers l’Est, ou vers l’Ouest, et de découvrir à chaque fois une autre
Terre, vierge d’humains, avec tout son système solaire. De part et d’autre de
la Primeterre se trouvent donc Ouest I et Est I, puis Ouest II et Est II, et
ainsi de suite. Et des mondes parallèles, il y en a des millions. Seule
contrainte : le fer ne traverse pas, il faut donc installer des forges
dans chaque nouveau territoire conquis, utiliser des matériaux alternatifs. En
quelques années, la société en est chamboulée. Espace infini pour installer de
nouvelles colonies, ressources illimitées qui ravagent totalement l’économie de
la Terre originale : de l’or autant qu’on en désire, du bois etc.
Les auteurs présentent ainsi un
certain nombre de conséquences à partir de leur postulat. On pourra regretter
que ce travail d’analyse reste assez superficiel, mais l’essentiel du récit n’est
pas là, il est dans l’exploration et l’aventure.
Nous suivons Josué Valienté : comme quelques autres élus, il est un passeur-né et n'a pas besoin de boitier pour franchir les mondes. Assisté par Lobsang, une intelligence artificielle magnifiquement
campée, doté d’un humour pince-sans-rire que l’on apprécie tout au long du
roman, il va explorer des milliers de Terres à bord du seul véhicule capable de
traverser : un dirigeable.
La Longue Terre, c’est à chaque
page l’émerveillement qu’on retrouve d’ordinaire dans les récits de "BDO", ces
Big Dumb Objects à explorer comme celui du Rendez-vous avec Rama d’Arthur C. Clarke.
Sauf qu’ici ce sont des mondes parallèles, immenses par leur nombre.
Josué va ainsi rencontrer d’étranges
et lointaines colonies de pionniers humains, des animaux monstrueux qui ont
suivi d’autres branches de l’évolution, des humanoïdes à l’aspect de singes et
capables eux aussi de passer entre les mondes, des séries de planètes à thème :
glaciaires, céréalières etc, et même des Terres « joker » :
totalement désertiques, détruites par une catastrophe...
Peu à peu une intrigue se met
en place. Les humanoïdes semblent fuir quelque chose qui se déplace depuis l’Ouest...
La Longue Terre est l’un des
ouvrages les plus addictifs que j’ai pu lire en cette fin d’année. Dès lors que
le lecteur adhère au principe, il désire lui aussi explorer cet espace infini à
portée de saut, en savoir plus sur la nature de ces mondes parallèles, qui, on
le sent à mesure que l’on tourne les pages, ne sont pas là par hasard. Le
personnage de Lobsang est des plus attachants. L’écriture est impeccable,
fluide, menant facilement à la nuit blanche. Seule frustration : une
fin ouverte qui laisse bien des questions en suspens. Car il y a une suite, La Longue Guerre, sortie en février 2014.
Categories:
2013,
Mondes parallèles,
Science-Fiction
Une très belle lecture pour moi aussi, drôle, inventif et intelligent à la fois.
Comme quoi humour et hard-science, ça peut fonctionner ensemble !
J'attends la suite avec impatience.