Paru en France en 2015

N’ayant jusque là jamais lu ni de texte exclusivement publié en numérique, ni d’ouvrage au format novella, c’est un peu circonspect que je découvre l’un des récits de la maison d’édition House Made of Dawn, Nouvelle Tête.

Premier constat, la novella se lit d’une traite, comme une nouvelle, malgré ses 45 pages. Ensuite, en dépit de son ambiance intimiste sur le registre du fantastique, il s’agit clairement d’un récit de science-fiction.
Sham Makdessi nous propose une dystopie aussi noire que doucement parodique où l’être humain, connecté en permanence, s’auto-customise en remplaçant ses membres par des prothèses. Bras et jambes sont ainsi dotés d’applications diverses de la même manière que nos smartphones.
Le reproche que je ferais à l’ouvrage est le manque de clarté sur le fonctionnement de ces applications, dont la limite entre les effets réels et virtuels est floue, comme cette application luge pour descendre les escaliers. D’où sort la luge ? Mais cela reste un détail et participe sans doute de l’humour noir.

Nous suivons Cardon, employé de bureau logeant au milieu d’une tour de quelques milliers d’étages, économisant pour activer le canon anti-bruit qui atténue le vacarme de la ville, pour éluder les publicités ou pour s’acheter un nouveau bras plus performant.
Difficile de ne pas songer par moments, dans l’esprit du moins, à la série télévisée britannique Black Mirror.
Cardon se réveille pour constater que son nouveau bras a été subtilisé, sans aucune trace de piratage. Ce qui va l’amener jusqu’au siège d’Organa, la société proposant des bio-améliorations... plus ou moins légales.

L’écriture est fluide, épurée, s’efface au service du récit. On ne s’ennuie pas une seconde et même si l’on pressent beaucoup des rebondissements, l’histoire demeure assez fascinante. La société cauchemardesque est aussi bien dépeinte que les émois du narrateur, auquel on s’identifie facilement.

Nouvelle tête est un bref récit d’anticipation qui nous propose une vision angoissante d’un monde ultra-connecté. On ne criera pas à l’originalité devant les concepts avancés, mais le traitement non dénué de cynisme en fait un excellent moment de lecture. Le format novella est particulièrement adapté à l’histoire.