Paru en France en 2015
Autres livres de Peter Watts : la trilogie des Rifteurs

Comme tous les livres de Peter Watts, Echopraxie n’est pas un roman qui met une claque, mais un roman qui en distille plusieurs, disséminées au milieu d’un thriller techno dont on pourra dire du bon comme du mauvais. Echopraxie se situe dans le même futur proche que Vision Aveugle. L’histoire se passe un peu plus tard, mais n’en est pas une suite directe, même si l’équipage de Vision Aveugle est brièvement évoqué.

Nous suivons le biologiste Daniel Brüks, qui, alors qu’il travaille à un l’étude d’espèces dans le désert, se retrouve poussé par une horde de zombies - qui sont en fait des créatures militarisées, des hommes dont on déconnecte le cerveau - et se réfugie dans un monastère habité par les « bicaméraux », un ordre religieux contrôlant une tornade artificielle. Et où se retrouve aussi la redoutable vampire Valérie, laquelle, comme les vampires de Vision Aveugle, prends des « anti-euclidiens », étant allergique aux angles droits et autres signes de croix.

Et tout cela sans une once de fantastique. Au contraire, avec un background scientifique impressionnant, rien n’est lancé au hasard, tout s’appuie sur des études biologiques détaillées et devient crédible à mesure que l’on commence à comprendre. Les bicaméraux, aux cerveaux améliorés, liés entre eux façon ruche, et infiniment plus intelligents que tout le monde, sont les premiers humains à pratiquer une religion permettant autant, voire davantage, de prédictions que la science. D’ailleurs les passages évoquant la religion comme une adaptation neurologique, permettant de meilleures capacités de survie, ou encore Dieu comme un virus, sont exceptionnels.

Le monastère se change en vaisseau spatial, « La couronne d’épines », et décolle avec un Daniel Brüks qui se retrouve donc enlevé - à moins qu’il n’ait été inclus dans l’équation depuis longtemps. Dans un huis clos entre Brüks, le seul humain sans améliorations, les bicaméraux, leurs adeptes, un militaire cherchant son fils et une vampire qui rôde en apesanteur, le vaisseau se dirige vers la station Icare, où attend une créature extraterrestre dont je ne dévoilerai rien, mais dont la manière de penser est encore une fois superbement décrite.

Le défaut d’Echopraxie, c’est qu’après la trilogie des Rifteurs et Vision Aveugle, on commence à sentir que Peter Watts rabâche son thème de prédilection : le libre arbitre. Les processus de pensée de ses personnages sont différents mais l’idée générale est la même. Sauf que c’est aussi la force du bouquin. Avec une capacité d’évocation magistrale, l’auteur montre une fois de plus - démontre ? - combien chaque situation, chaque comportement est prédéterminé, manipulé, codé, cracké. Comment ce que nous croyons être des choix n’en sont jamais. On se prend à relire certains passages pour le plaisir d’être ébahi. Et les notes et références à la fin de l’ouvrage valent autant que le reste du roman, en vulgarisant des concepts parfois obscurs à la première lecture.

Ne lisez pas Echopraxie pour son intrigue de thriller technologique, qui se laisse parcourir mais ne coupe pas le souffle. Lisez-le pour le retour de Watts sur son terrain favori, l’exploration de la conscience et de la manipulation mentale. Les passages, nombreux, qui y font référence, valent l’achat du livre à eux-seuls.