Paru en France en 1992
Autres livres de Iain M. Banks : L'homme des jeux

Dans le cycle de la Culture de Banks, L’homme des jeux était un fin divertissement. Avec L’usage des armes, on franchit une étape vers un roman bien plus profond, parfois bouleversant. Du coup la suspension d’incrédulité est plus facile, dans cet univers un peu trop anthropomorphe qui en devient presque un décor anecdotique.

Encore une fois, la Culture, cette civilisation interplanétaire apaisée et d’un niveau technologique incomparable, n’est vue qu’en creux puisque le récit évoque ses interactions indirectes avec des peuples moins avancés, déclenchant des guerres pour obtenir la paix, sacrifiant ici et là pour des objectifs politiques à long terme, influençant derrière le rideau.
Et pour arriver à ses fins, elle utilise notamment un mercenaire, Chéradénine Zakalwe. L’usage des armes est son histoire.

Le roman n’est pas chronologique. Ainsi les chapitres oscillent entre diverses missions du passé et du présent de Zakalwe, mais évoquent aussi la jeunesse de cet homme, mûri dans la guerre et adopté par la Culture, pour retourner à la guerre et y employer ses talents incomparables de stratège et de meneur d’armées.
Si l’on se régale déjà du dépaysement - l’ouvrage ne manque pas de sense of wonder - ou de l’intelligence déployée par le héros pour dénouer, s’en sortant parfois à moitié mort, des situations qui semblent inextricables, une autre force émerge de l’histoire.

Cet épuisement moral de Chéradénine, obéissant ou désobéissant à la Culture, massacrant sans percevoir les buts finaux, passant d’un camp à l’autre selon des plans obscurs, jouant le jeu des bons ou des mauvais sans distinction. Ce moment où il échappe aux missions, trouvant un semblant d’amour dans une cabane sur la plage, sur une planète où le concept d’habitation fixe est pourtant inconnu, mais finissant à nouveau par un départ poignant, comme si nulle stabilité ne serait jamais autorisée dans son existence. Et toujours cet usage des armes qui le ronge, ces décisions de tuer au service d’un hypothétique plus grand dessein, ou simplement pour exécuter les ordres, payer sa dette à la Culture. Enfin ces références à un trouble passé, une famille déchirée, une mystérieuse chaise, qui amènent d’ailleurs à un twist final inattendu.

L’usage des armes est un roman fort où la Culture apparaît terriblement manipulatrice, sacrifiant des vies sans état d’âme, mais toujours à travers l’emploi de Chéradénine Zakalwe, ne se salissant ainsi jamais les mains. Et cet unique personnage, obscur et déchiré, est un centre de gravité qui absorbe totalement le lecteur.