Paru en France en 2017

Autres ouvrages de Jo Walton : Morweena


Avec Mes vrais enfants, Jo Walton reprend à sa manière le thème de l’uchronie, en proposant les deux versions à la fois d’un parcours individuel depuis un point de bifurcation.

L’ouvrage est à la fois le récit d’une vie et d’une traversée d’époques. Nous suivons Patricia Cowan depuis sa naissance dans les années 1920 en Angleterre. Sa rencontre avec Mark, qu’elle connaît à peine quand elle est étudiante, débouche sur un appel téléphonique où il la demande en mariage. Dès lors, l’auteure alterne les chapitres. D’une part, la vie de Patricia qui a accepté le mariage, et qui devient Trish. De l’autre, celle de Pat, qui a refusé.

Toute la force du roman tient alors dans ces deux vies parallèles, leurs malheurs respectifs, et cette balance permanente entre le bonheur personnel et le sacrifice. Tandis que Pat devient lesbienne et découvre l’amour et l’Italie de Florence avec sa compagne Bee, Trish endure un époux froid et méprisant, et ne parviendra à s’exprimer qu’à travers son militantisme écolo et féministe. Aucune des deux réalités ne correspond véritablement à la nôtre : le récit distille des versions alternatives du monde. L’assassinat de Kennedy n’est pas celui que l’on connaît, la guerre froide conduit l’une des deux réalités vers une guerre nucléaire, la conquête spatiale est plus avancée, l’un des mondes est progressiste tandis que l’autre condamne l’homosexualité, etc.

Les deux versions de Patricia auront des enfants et petits-enfants, et les deux feront face à la perte d’être chers, à la maladie, à l’oubli. Cette double vie est d’autant plus émouvante qu’on ne cesse de comparer les versions de Patricia. Le bonheur de l’une rend plus saillante encore l’abnégation de l’autre. Et c’est peut-être le seul reproche que l’on pourrait faire au livre, qui franchit parfois la fragile frontière du pathos. Graves accidents, cœurs brisés ou terribles fins de vie, si tout est plausible, l’accumulation semble parfois chercher à vous tirer une larme de force.

Heureusement, la présence qu’insuffle Jo Walton à son personnage suffit à gommer les quelques ficelles trop visibles de l’émotion. Car nous avons affaire à une plume de maître, subtile, addictive, qui parvient à cadrer l’intime tout en soignant le contexte. L’ouvrage a beau être dense, le souffle ne retombe jamais. Un tour de force.

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1 commentaire.

  1. Baroona says:

    Je ne sais pas s'il cherche à tirer la larme - je ne l'ai pas ressenti ainsi personnellement - mais c'est indéniablement émouvant. Et puis il ne fait pas oublier les non plus les moments heureux. ^^
    Un très beau livre en tout cas. =)