Paru en France en 2021

La couronne du berger est un ouvrage de Terry Pratchett paru à titre posthume, l’auteur étant décédé en 2015 de la maladie d’Alzheimer. Ce dernier volume, 41e tome du Disque-Monde, aurait été dicté avec l’aide de proches, et une fin alternative envisagée n’aurait jamais pu être écrite, faute de temps. Nous suivons pour la cinquième fois les aventures de Tiphaine Patraque, désormais sorcière à la place de Mémé Ciredutemps, laquelle meurt en début de récit. Après avoir occupé tant de livres du Disque-Monde, Mémé Ciredutemps tire une révérence qui participe à l’impression générale d’adieu. On retrouve dans une première partie la verve pratchettienne habituelle et l’on prend plaisir à retrouver les Nac Mac Feegle et autres personnages récurrents. Mais rapidement l’histoire, retombant sur un nouveau conflit avec les elfes envahissant la campagne, devient poussive, brouillonne, sans conteste la plus pénible à lire de l’arc narratif. La reine elfe Morelle, rejetée par les siens, découvre l’empathie sur fond de moraline primaire. Les allusions sexuelles sont plus nombreuses et moins fines que d’ordinaire, et la segmentation des chapitres sans transition ni cliffhanger fait songer à un puzzle aux pièces mal emboîtées. Mais comme pour tous les tomes sur la fin de la saga, souffrant de la comparaison avec les premiers qui eux savaient arracher des éclats de rire, au fond peu importe. Depuis le temps – certains comme moi on grandi ou vieilli avec – nous sommes chez nous dans le Disque-Monde. Nous avons enquêté avec le gué des orfèvres, étudié à l’Université de l’Invisible, jeté des sorts avec Mémé, Magrat et Nounou. Nous avons couru avec Cohen le Barbare ou comploté avec le Patricien. Nous avons écouté la Mort en majuscules. Ankh-Morpork est notre capitale, et nous avons marché sur son fleuve si sale qu’on n’y coule pas. Le style de Pratchett aurait pu encore se dégrader que nous aurions continué à nous y promener.

 

C’est non sans un pincement au cœur que l’on referme l’ultime ouvrage du Disque-Monde. Un adieu à un univers, mais aussi à un auteur emporté par la maladie. Qui a sans doute laissé derrière lui la plus immense et attachante fresque humoristique jamais conçue.

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