Paru en France en 2019

Auteur également connu pour ses romans policiers, François Darnaudet tire une flèche fantastique de son carquois avec Le Möbius Paris Venise, sur le thème des univers parallèles.

Son économie d’explication et le faits extraordinaires acceptés par les personnages avec un quasi flegme rappellent le genre du réalisme magique porté par des auteurs sud-américains tels que Gabriel Garcia Marquez. La notion de ville multiple évoque aussi par moment le fabuleux The city and the city de China Mieville. En effet, dans le Möbius, il existe des Paris et des Venise alternatifs, que l’on peut-atteindre via des passages secrets dans l’une et l’autre ville. Chaque ville a son niveau de technologie et ses principes propres. L’une d’elle a aboli la monnaie, l’autre ne connaît pas l’électricité... Dans certaines Venise, des espions du Doge peuvent prendre la place de statues et l’on peut résider dans des boîtes de bouquinistes, dans certains Paris, des « isoloirs », pièces flottantes d’où l’on voit sans être vu, permettent de loger ou d’y prendre des rendez-vous amoureux, et l’arc de triomphe est remplacé par un éléphant habitable.

Le trouble survient lorsque les architectures des différentes villes se mettent à se superposer, et qu’un trio de personnalités réincarnées commettent des séries de crimes d’une ville à l’autre. Cela mènera l’enquêteur Alex Lex d’un monde à l’autre, sur la piste du « Phaal », un Graal maléfique contenant la semence du Diable, et sur celle de bien des personnages historiques. L’ombre d’Hugo Pratt plane sur l’ouvrage, comme une Fable de Venise... ou plutôt, de Parnise, la cité ultime faite des deux villes.

L’ouvrage se conclut par une série de nouvelles qui tiennent surtout lieu d’une autobiographie romancée de l’auteur. Une mise à nu troublante, courageuse.

Déconcertant, richement documenté, Le Möbius Paris Venise oblige à se laisser prendre par la main si l’on ne veut pas buter sur l’inexplicable. Comme une visite touristique de villes hallucinées, dans les pas d’un guide un peu fou. On en ressort avec un sentiment de flottement, inhabituel dans la masse de la production fantastique actuelle, et avec la furieuse envie de partir pour Paris. Ou Venise.